mardi 20 juillet 2010

Sexe et préhistoire

Les humains, surtout les mâles, s’en font un peu pour la taille des leurs pénis. Les scientifiques s’y intéressent aussi, mais pour des raisons différentes. On trouve quelques explications dans Mystery Dance: On The Evolution of Human Sexuality, par Lynn Margulis et Dorion Sagan. Une grande partie du livre présente de la spéculation, mais c'est souvent ce qui rend ces genres d’ouvrages si amusants.

Tout d'abord, quelques concepts doivent être compris. D'un point de vue des généticiens, les caractéristiques et les comportements sexuels de tous les animaux, y compris les humains, peuvent être expliqués par les chromosomes qui cherchent à se reproduire le plus possible.

Pour les femelles, c’est une simple question de tomber enceinte. La prochaine génération porte ses gènes et peut ensuite les retransmettre. Du côté des mâles, il faut la chance d'avoir accès à une femme fertile. On remarque alors deux stratégies principales, chacune à l’extrémité d’une série de possibilités.

Une stratégie est celle adoptée par le gorille. Les mâles sont plus grands que les femelles, un phénomène que l’on appelle le dimorphisme sexuel. Un mâle finit par dominer tous les autres et obtient un accès exclusif à toutes les femelles du groupe.

L'autre stratégie est la promiscuité totale. Chez les chimpanzés, le dimorphisme est moins prononcé. L’on dit que les chimpanzés femelles sont les athlètes sexuelles du monde animal puisqu’elles s’accouplent de nombreuses fois par jour avec un grand nombre de mâles lorsqu’elles sont en chaleur.

La première stratégie, que l’on voit chez le gorille, se résumer à éviter la « compétition spermatique ». Un mâle dominant a un accès exclusif aux femelles et son sperme sera le seul qui servira à les imprégner. La seconde stratégie, que l’on voit chez le chimpanzé, est tout le contraire. Dans ce cas, il n'y a aucune exclusivité sexuelle, et un mâle cherchera à déplacer les spermatozoïdes déjà présents dans la femelle, tout en y laissant les siens pour la féconder.

La compétition spermatique est essentiellement une course vers l’ovule. Si une femme a des relations sexuelles avec un deuxième homme quelques heures, voire quelques minutes, après en avoir eu avec un premier, les spermatozoïdes du deuxième homme tenteront de surclasser ceux du premier homme, et pourraient même réussir. En effet, chez les chimpanzés, il arrive souvent que des frères et des cousins se partagent une femelle puisque cela favorisera la transmission des gènes qu’ils ont en commun.

Or, il se trouve que les espèces qui évitent la compétition spermatique n’ont que de petits organes génitaux et de petites quantités de spermatozoïdes. Comme il n'y a pas de spermatozoïdes provenant des rivaux du mâle dominant, il n’est pas nécessaire d’avoir peut-être à déplacer les spermatozoïdes laissés par un rival. Mais pour les espèces où il y a compétition spermatique, le pénis doit être assez grand pour déplacer le sperme laissé précédemment par d'autres, et les testicules doivent produire suffisamment de sperme chaque fois afin de rivaliser avec le sperme laissé par d'autres.

Qu'est-ce que tout cela signifie pour la sexualité humaine? Eh bien, puisque nous sommes généralement une espèce monogame (il y a des exceptions à toute règle), les mâles n’ont généralement pas à s’inquiéter des spermatozoïdes des rivaux. La monogamie implique une absence de compétition spermatique. Nos organes ne devraient donc pas être de taille aussi impressionnante. Comment en sommes-nous arrivés là?

Les chimpanzés et les humains ont un ancêtre commun dont ils ont divergé il y a environ six millions d'années. Il existe de nombreuses similitudes entre les chimpanzés et les humains. Les chimpanzés mâles ont un assez des organes génitaux de grande taille, dont des testicules plus grands que ceux des humains, et un pénis au moins la moitié de la taille de celui d'un homme.

Selon les experts, les grands testicules et pénis se trouvent généralement chez les animaux reconnus pour la promiscuité. Le gorille mâle, dont les organes génitaux sont assez petits, a un harem qu’il garde jalousement. Comme chez les gorilles, il existait chez les australopithèques une grande différence de taille entre les mâles et les femelles. Cela laisse croire que cette espèce évitait la « compétition spermatique », et que les mâles avaient des organes génitaux de petite taille.

Cela aurait commencé à changer lorsque des mâles subordonnés de la plus ancienne espèce Homo ont troublé l’équilibre social en offrant de la nourriture aux femelles en échange de faveurs sexuelles. Avec le temps, et au moment où une espèce intermédiaire Homo est apparue, les hommes n’étaient plus tellement plus grands que les femmes. Homo « intermédiaire » (erectus ou ergaster) collaborait de plus en plus avec d’autres membres du groupe, et la voie vers la compétition spermatique s’est ouverte. Le fait de manger et de dormir en groupe aurait favorisé une plus grande communication et une plus grande socialisation. La promiscuité peut avoir été la norme jusqu'à ce que l’on commence à voir la formation de couples stables et plus ou moins permanents, ce qui a assuré la paix entre les mâles et renforcé la cohésion du groupe.

(Question : Qu'en est-il des femelles? Elles peuvent être jalouses aussi.)

Une tendance à la monogamie et à la romance a commencé chez Homo sapiens lorsque les hommes ont emmené les femmes à l’écart du groupe pour passer un peu de temps avec elles en toute intimité. Les chimpanzés le font. Théoriquement, c'est une façon d'assurer que le mâle ait l’occasion de rendre la femelle enceinte. Toutefois, le chimpanzé qui ose faire cela risque d’être battu par les autres membres du groupe pour avoir enfreint les conventions sociales.

L’on croit que les premiers membres de l’espèce Homo ont fait la même chose et ont peut-être risqué autant. C'est lorsque la formation de couples plus ou moins exclusifs est devenue la norme que cette stratégie est devenue non seulement acceptable, mais presque obligatoire.

La théorie veut que l'espèce humaine vit un retour de la pendule et adopte peu à peu un comportement contraire à la compétition spermatique. Comme c’est encore tout récent, les organes génitaux du mâle n’ont pas eu la chance de se rétrécir.

Nous pouvons maintenant décider consciemment d'éviter une grossesse complètement et nous pouvons avoir des rapports sexuels pour le plaisir seulement. Nous pouvons parfois surmonter même notre jalousie et notre tendance à la possessivité. Que nous réserve l'avenir? Il serait intéressant de vivre assez longtemps pour le savoir.

Comme on l’a dit, il existe de nombreuses similitudes entre les chimpanzés et les humains, mais une différence importante est que le chimpanzé femelle continue de connaître les cycles d'œstrus, alors que les femmes humaines n’en ont pas. S’agit-il d’un facteur important pour ce qui est de déterminer la stratégie finale en ce qui a trait à la compétition spermatique?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire