mardi 19 octobre 2010

Respecter son for intérieur

« Ce qu’il faut pour identifier et définir l'homosexualité est un acte. S’il n’y aucun comportement homosexuel, il n’y a pas d’homosexualité, et cela suffit pour refuser d’accorder une protection. » – William Gairdner (http://www.williamgairdner.com/gay-wrongs) (La traduction est de moi.)

M. Gairdner ne mâche pas ses mots quand il parle de droits pour les homosexuels – il s’y oppose carrément. Notons, cependant, sa définition implicite de l'homosexualité. Pour lui, l'homosexualité est quelque chose que l’on fait. Les sentiments sont sans importance.

J’ai de la difficulté à l’avouer, mais il faut le dire : Quand j’ai constaté que j’étais attiré par les filles, ce n'était pas quelque chose que j'avais demandé. J’étais très heureux de vivre ma vie comme jeune enfant de sexe masculin qui aimait le hockey, le baseball, le ballon-chasseur, les chats, la télé, les jeux de société, les bandes dessinées (surtout celles de DC), et la baignade au chalet. Mon contact avec la gent féminine était limité en général à ma mère, à ma sœur, à mes tantes, aux enseignantes, etc.

Vers la sixième année scolaire, j'ai remarqué deux choses. Tout d'abord, ma vue n’était plus ce qu’elle était. (Deux ans plus tard, j’ai enfin commencé à porter des lunettes.) Deuxièmement, malgré mes problèmes de vision, les filles commençaient à me taper dans l’œil. Quelques mois avant, voir le cul d’une femme qui marchait ne m’intéressait aucunement. Mais peu après, il me fallait un vrai effort pour me détacher les yeux d’un cul féminin en mouvement, ou alors elle devait tourner et me faire face.

Puis là, il y avait la poitrine. Je savais que les femmes avaient des seins. J'avais vu quelques seins nus quand j'étais d'âge préscolaire et je pouvais bien voir que les femmes avaient des seins sous leurs vêtements. Mais il y avait maintenant ces nouveaux seins qui sont apparus sur des filles qui n’en avaient pas avant. Bientôt, je pouvais dire lesquelles portaient un soutien-gorge. Quelque chose se passait dans moi.

Lorsque j’allais acheter des bandes dessinées à la pharmacie locale, je voyais des revues avec des femmes nues en page couverture. Dans d'autres circonstances qui me sont maintenant nébuleuses, je me souviens d’avoir pu en feuilleter (mais pas au magasin). J'ai aussi découvert que la télé anglaise ne montrait jamais de nudité, tandis que la chaîne française en montrait très souvent. Cela peut expliquer, du moins en partie, pourquoi je suis devenu francophile.

Si ces revues et films existaient, il devait y avoir d'autres personnes qui, comme moi, étaient fascinées par les corps des femmes. D’après ce que j’ai pu voir, c’était tous des hommes. Mais il n'y avait personne à qui je pouvais parler de ces choses. Heureusement, il y avait des infirmières dans la famille, dont ma mère. Elle avait des livres médicaux à la maison et j'ai commencé à les consulter ... quand ma mère n’était pas là, évidemment!

Au fil du temps, il m’est venu une image plus claire de ce qui se passait en moi. Comme beaucoup d'autres jeunes de mon âge, je vivais la puberté et je me transformais en être sexuel. (Les enfants sont des êtres sexuels, aussi, mais pas tout à fait de la même manière.) Plus précisément, je devenais un être hétérosexuel. Comment le savoir? Pour les raisons suivantes: a) j’étais de sexe masculin, et, b) je m’intéressais sexuellement aux femmes.

Je ne l'avais pas demandé. Une de mes tantes, qui avait sans doute de bonnes intentions, me disais que j’aillais attirer bien des filles en raison de ma grandeur. C'était effrayant! J’ai bien eu à côtoyer les filles à l’école, mais sans plus. Maintenant, elles allaient se trouver constamment dans mon esprit. Ma tante m'a même assuré que ce qui se passait était normal. Puis, le vicaire a aggravé les choses en insistant que j’allais brûler en enfer si je n’arrivais à éradiquer mes pulsions hétérosexuelles.

Il a fallu bien des années, mais j'ai fini par assumer mon hétérosexualité. Je suis ce que je suis et je le serai toujours. Les femmes me fascinent toujours et je me permets maintenant de leur tenir compagnie sans aucun sentiment de culpabilité. Mais comme la puberté est maintenant chose du passé, je peux aussi plus facilement vaquer à d’autres tâches importantes.

Je me rends compte maintenant que j'ai eu de la chance. Je vois à quel point notre société accepte beaucoup plus facilement l'hétérosexualité, en autant qu'elle soit contrôlée au moyen d’institutions comme le mariage. Je ne peux imaginer ce que j'aurais vécu si mon intérêt sexuel s’était plutôt porté sur mes copains mâles.

À mon avis, j'ai toujours été hétérosexuel, du moins depuis la puberté. Mais si l’on croit M. Gairdner, je ne pouvais pas me réclamer le titre d’hétérosexuel avant d’avoir eu enfin des rapports sexuels. Si l'on suit sa définition à la lettre, je ne suis hétérosexuel que depuis l'âge de 19 ans. Alors, j’étais quoi avant? Et qu’étaient tous ces hommes homosexuels avant d’avoir eu des rapports sexuels avec d'autres hommes? Neutres? Ambigus? Indécis?

À en croire M. Gairdner, les homosexuels sont appelés à nier même leur nature. Moi, j’ai été incapable de nier ma nature hétérosexuelle. Je ne vois pas comment je pourrais demander à un homme gai de nier la sienne.

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