« Il n’était pas question d’avoir deux nations politiques. C’est l’évidence même. Les Pères de la confédération « canadienne », qu’ils soient français, anglais, irlandais ou écossais, ont déclaré catégoriquement qu'ils créaient une nouvelle nation. » – Eugene Forsey
J'ai vu cette citation en anglais pour la première fois dans un mémoire préparé par Ron Leitch, qui à l’époque se trouvait à la tête de l'Alliance for the Preservation of English in Canada. Le mémoire avait été publié dans l’ouvrage Enough! de J.V. Andrew. Plus tard, un autre auteur, William Gairdner, a publié cette même citation dans The Trouble With Canada, d’où je l’ai puisée. La traduction est de moi, mais le mot nouvelle était en italiques dans l’ouvrage.
Je n'ai pas accès au discours original d’Eugene Forsey, alors je ne peux commenter ni sa signification ni son contexte. Mais il est intéressant que les gens qui ne veulent qu’une seule langue officielle au Canada, et qui veulent que cette langue soit l'anglais, se servent de cette citation afin de dénigrer l'idée des deux nations fondatrices, ou des deux peuples fondateurs. L'idée est que tout ce qui est survenu avant 1867 n’a aucune importance et que nous allons dorénavant vivre tous ensemble dans cette magnifique nouvelle nation de langue anglaise qui continuera de se plier à la Couronne britannique.
Lorsque les quatre premières colonies britanniques ont décidé de s'unir pour former le pays qu’on allait appeler le Canada, il était déjà difficile de ne pas remarquer la présence d’une population française presque entièrement homogène dans le territoire appelé communément le Bas-Canada. En fait, dès le début, il y a eu certains accommodements, comme l'article 133 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique qui permet d’utiliser le français au parlement canadien ainsi que dans les institutions gouvernementales du Québec.
Par conséquent, des efforts ont été faits pour accommoder les Français. Ce n'étaient pas des étrangers ou des immigrés. Ils étaient là dès le départ et constituaient déjà un peuple. On ne pouvait ignorer ce fait. Et cela fait partie de notre histoire commune.
La bonne volonté initiale était limitée et, dans certains cas, tout à fait temporaire. À ma connaissance, il n'y avait rien dans la Constitution qui obligeait que la fonction public soit de langue anglaise. Cela s’est produit tout naturellement. Malheureusement, le cours naturel des événements avait tendance à fermer la porte aux Canadiens français qui ne parlaient pas l’anglais, et parfois même à ceux qui le pouvaient. Dans Sorry, I Don't Speak French, l’ancien premier ministre fédéral, Paul Martin, raconte à l'auteur, Graham Fraser, l’histoire du père d'un de ses amis, un homme qui ne pouvait monter davantage dans les rangs la fonction publique pour la simple raison qu'il était français. Ce qui ne devrait être qu’un inconvénient a été plutôt un obstacle, et bien des gens qui contestent le bilinguisme officiel aimeraient que ce genre d’obstacle revienne.
Nous ignorons l'histoire à nos risques et périls. La nation française que nous appelons aujourd'hui le Québec existait déjà en 1867. Avec le temps, la population française a pris un essor au Nouveau-Brunswick grâce à la présence des Acadiens. Voilà pourquoi le Nouveau-Brunswick est maintenant la seule province officiellement bilingue au Canada. Les Français se trouvaient également dans le reste du Canada bien avant 1867. Trop peu nombreux pour exercer une influence politique réelle, on ne peut quand même pas nier leur présence.
Même en Ontario, le français était déjà présent en 1867. Lorsque l'éducation française en Ontario a été interdite en 1912, c’était, disait-on, pour prévenir que d'autres groupes d’« immigrés » exigent l’enseignement public dans leur langue d’origine. Pourtant, les Français en Ontario n'étaient pas des immigrés. On aurait voulu faire croire que le droit à l’enseignement public en français n’était qu’un privilège accordé par la majorité anglaise. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y régnait un climat de mauvaise foi.
N’oublions pas non plus le soulèvement à la rivière Rouge au Manitoba et la pendaison subséquente du chef des Métis, Louis Riel. Que l’on voie ces rebelles comme des héros ou des bandits dépend en grande partie de l’opinion que l’on tient sur la question linguistique.
Si jamais le Québec quittait le Canada, le Canada anglais ne pourrait pas chercher à revenir en arrière en déclarant l'anglais comme seule langue officielle, car ce passé n’aura jamais existé.
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