Il y a quelques semaines j’écoutais un reportage à Radio-Canada, dans le cadre de l’émission La semaine verte, sur la crise alimentaire mondiale à venir. Il a été question, entre autres, de la culture du Jatropha Curcas en Inde, bien qu’il m’a fallu un peu de temps pour bien cerner le nom de cette plante. (Pendant l’émission, on parlait de « jatrophe ».)
S’agit-il de l’aliment miracle qui permettra à tous de manger à leur faim? Loin de là! Il s’agit plutôt d’une plante qui, pendant un certain temps, semblait prometteur comme source de biocarburant. Contrairement aux plantes comestibles, comme le maïs, le Jatropha Curcas est toxique. On se pose la question à savoir si la culture du maïs pour la production énergétique est morale étant donné nos besoins en alimentation à prix abordable. La question ne se pose pas pour les plantes non comestibles comme le Jatropha Curcas.
Or, dans le reportage, on apprend que la culture du Jatropha Curcas entraîne tout de même un questionnement moral d’un autre ordre. Dans une région de Chhattisgarh, en Inde, vivent 18 familles auxquelles une terre en propriété collective a été arrachée par les autorités. Les familles ne peuvent plus y faire pousser leur nourriture et ne peuvent ni se nourrir elles-mêmes ni nourrir leur bétail. Elles dépendent maintenant de dons alimentaires.
Ces familles voient peu les avantages d’une plante comme le Jatropha Curcas. La plante n’est est toxique autant pour elles que pour leurs animaux, elle ne peut pas servir au chauffage, et comme aucune des familles n’a de voiture motorisée, elles ne leur sert pas non plus comme carburant. Bref, la plante ne leur sert pas.
Les autorités prévoyaient faire la culture dans des terres dites « infertiles et dégradées », car on disait à l’époque que la plante nécessitait moins d’eau et pouvait pousser presque n’importe où. Le problème est qu’un grand nombre de régions que l’on disait arides et semi-arides étaient en fait habités et exploités par des communautés locales et autochtones. On a souvent fait usage de force à l’endroit de populations vulnérables, violant ainsi leur droit à la subsistance.
Il y a aussi toute la question de la disparition d’une culture humaine. Ces gens vivaient de la terre depuis au moins des décennies, peut-être même des siècles. En leur arrachant la terre et le droit de s’en servir pour vivre, on met fin à une véritable tradition. Ce n’est pas le prix de la modernité, car la modernité permet d’améliorer la production sans mettre en péril un mode de vie. Dans ce cas-ci, le mode de vie a été carrément chambardé parce que d’autres y voyaient une occasion de faire beaucoup d’argent.
Or, le comble est que l’expérience semble vouée à un certain échec. Oui, la plante peut pousser dans des terres moins fertiles, mais son rendement n’est pas à la hauteur des attentes. « Il ne s’agit pas d’une culture friche. Il lui faut de l'engrais, de l'eau et une bonne gestion », peut-on lire à son égard dans un autre reportage sur Internet.
Dans le même reportage, on parlait de Sénégalais qui faisaient la pêche au large des côtes du pays. Le seul outil moderne du pêcheur sénégalais était un moteur hors-bord. Mais la pêche n’était pas tellement abondante en raison des grands navires de pêche provenant d’autres pays et ayant les moyens de prendre plus de poissons à la fois. Lorsque la prochaine génération aura atteint la maturité, restera-t-il quelqu’un pour apprendre aux jeunes comment pêcher selon cette méthode traditionnelle? Le cas échéant, restera-t-il du poisson?
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