Une personne qui se décrit comme étant à la fois féministe, anarchiste, nudiste, végétalienne, écologique et « hippie » a publié un article intitulé Demetri Martin and Rape Culture (Demetri Martin et la culture du viol).
Je ne sais pas qui est Demetri Martin, mais elle le décrit comme étant un humoriste qu'elle appréciait beaucoup jusqu'à ce qu’elle assiste à une de ses prestations dans laquelle, à son avis, il traitait à la légère du sujet du viol .
(L’auteure du blog ne donne pas son nom, ce qui m’oblige de me servir de pronoms et d’ellipses afin lui faire allusion.)
Voilà comment elle décrit une partie de sa prestation, la nuit en question :
« Un gars ordinaire trouve une machine à remonter le temps s’en sert pour « séduire » les femmes et devenir proxénète du temps.
« Séduire » se trouve entre guillemets parce que l’on parle vraiment de viol. Dans au moins certaines situations, cela évoque le viol par raison de pauvreté. »
Dans le paragraphe suivant, elle dit :
« Le gars « ordinaire » se rend en Irlande pendant la famine de pommes de terre avec un sac de pommes de terre. Il rencontre une femme, fait quelques commentaires sur la famine et lui montre son sac de pommes de terre. Comme elle meurt de faim et a besoin de nourriture, elle se déshabille et, pour ainsi dire, lui permet qu'il la baise. »
Vers la fin, elle conclut :
« Je suppose que cela en dit long sur la culture. Si quelqu'un meurt de faim et que vous avez la nourriture, vous avez le droit de lui en refuser jusqu'à ce que cette personne accepte d’avoir des relations sexuelles avec vous. C'est normal; c'est la culture du viol. »
Je suis d'accord pour dire qu’il est déplorable que certaines personnes aient à consentir à des rapports sexuels dans le seul but d’avoir de la nourriture. Toutefois, je dois respectueusement exprimer mon désaccord pour ce qui est de décrire une telle situation comme exemple de la « culture du viol ».
Le viol est généralement défini comme une agression de nature sexuelle où la victime est obligée de commettre ou de subir un acte sexuel auquel elle n’a pas consenti. La seule défense possible contre une accusation d'agression sexuelle est le consentement de la victime présumée. Examinons donc le terme « consentement ».
L’article pertinent du Code criminel du Canada concernant le consentement se trouvait au numéro 273.1 au moment d’écrire ces lignes. Le paragraphe 273.1(1) donne la définition suivante du consentement : « l’accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle ». Le paragraphe 273.1(2) précise en outre qu’il n’y a pas consentement lorsque :
(a) l’accord est manifesté par des paroles ou par le comportement d’un tiers;
(b) le plaignant est incapable de consentir;
(c) l’accusé incite le plaignant à l’activité sexuelle par abus de confiance ou de pouvoir;
(d) le plaignant manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à l’activité;
(e) après avoir consenti à l’activité, le plaignant manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à la poursuite de celle-ci.
Le viol « par raison de pauvreté » pourrait peut-être se rapporter au paragraphe 273.1(2)c) ci-dessus. L’on pourrait dire que la personne qui possède de la nourriture a un plus grand pouvoir que la personne affamée et appauvrie. Je doute que cela vaille devant un tribunal, mais supposons pour l’instant que cela vaut.
Quand un travailleur du sexe aborde un client potentiel, il offre d’accomplir un acte sexuel en échange d'un mode de paiement. Le client potentiel peut alors accepter ou refuser. Mais si le client potentiel est celui qui offre de payer un travailleur du sexe en échange de rapports sexuels, il devrait d’abord lui demander une preuve de stabilité financière, ou tout au moins voir si ses placards et son frigo contiennent une certaine quantité de nourriture. Sinon, le client potentiel peut faire face à une accusation d'agression sexuelle, même si le travailleur du sexe a donné son consentement.
Voyons maintenant la situation où une personne qui n’est pas travailleur du sexe pourrait recevoir de la nourriture en échange de faveurs sexuelles. Comme le travailleur du sexe, cette personne peut dire oui ou non. Mais si elle dit oui, le client potentiel doit au moins s'assurer que la personne n’est pas pauvre. Sinon, le client potentiel sera coupable d'agression sexuelle.
Cela vous rend perplexe? Poussons plus loin ce raisonnement.
Nous ne savons pas vraiment comment le client potentiel a acquis sa nourriture. Il peut l’avoir reçu en cadeau. Il peut l’avoir volé. Il pourrait l’avoir obtenu en chassant, en pêchant ou par la cueillette, ou encore il aurait pu la cultiver dans son potager ou l’acheter au magasin. Quoi qu’il en soit, le client potentiel a de la nourriture.
Et si cette nourriture était la seule qu’il avait à manger ce jour-là? Est-ce vraiment trop demander que l’on lui remette quelque chose en échange? S’il pouvait vendre la nourriture, il pourrait se servir du produit de la vente pour en acheter d’autre. Ou bien il sera peut-être prêt à s’en passer en échange de faveurs sexuelles pour ensuite se chercher d'autre nourriture. Est-ce, en soi, la représentation d’une culture de viol?
Je comprends très bien ce que voulait dire l’auteure dans son blog. Personne ne devrait avoir à accorder des faveurs sexuelles dans le seul but de recevoir ce qui est nécessaire à la vie, et les plaisanteries de Demetri Martin n'ont probablement pas été respectueuses. Mais nous devons tous faire ce qui est nécessaire afin de joindre les deux bouts. Ainsi, « le viol par raison de pauvreté » me semble un concept assez problématique.
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