mercredi 8 décembre 2010

Complaisance

Il existe un genre de site d’initiation au féminisme (en anglais seulement) appelé Finally Feminism 101, un service qui semble avoir commencé à Blogspot avant de passer à Wordpress. Je ne sais pas plus comment je suis tombé sur le site, mais la première page que j’y ai visitée était celle-ci. En résumé, il s'agissait d'une tentative d'expliquer exactement pourquoi il doit y avoir une distinction entre un acte sexuel dans lequel l’on s'engage volontairement, et un acte sexuel où un des participants est clairement victime d'une agression.

Il n'y a pas si longtemps j'ai entendu dire qu'un ancien prêtre, affecté à ma ville natale quand j'étais un enfant, a reconnu avoir molesté de jeunes garçons. J'ai été un de ces chanceux qui ne l’a connu que de loin et j’ai ainsi évité de devenir une victime. Mais ce sont les circonstances particulières de cette cause qui ont attiré mon attention plus que les agressions elles-mêmes.

Les agressions sexuelles ne sont toujours pas signalées si fréquemment, mais il y a eu du progrès à cet égard. Toutefois, l’effet de ces signalements sur notre conscience tend à être moindre. Il est donc bien que Finally Feminism m’ait réveillé un peu. Il faut parfois donner un bon coup à notre complaisance.

Mais il y a alors lieu de se demander comment j’ai fait pour devenir complaisant.

- - - - - - - -

Puisque des relations sexuelles consensuelles sont permises et même encouragées, le droit de dire non à l'activité sexuelle a un corollaire nécessaire: le droit de dire oui. Bien sûr, certains feront tout leur possible pour refuser ce droit à d'autres, et ils seront convaincus d’avoir l'autorité morale de le faire.

En 1976, la American Humanist Association (AHA) a abordé ce problème en publiant un genre de déclaration droits et responsabilités en matière de sexualité (A New Bill of Sexual Rights and Responsibilities). En 2003, la revue Free Inquiry a publié ce qu'elle présentait comme étant une version remaniée de cette déclaration, même si elle suivait toujours l'original de très près. La revue The Humanist a « répliqué » avec un article critique intitulé « Que faire à présent que la révolution sexuelle est terminée? »

On évoque notamment le langage douteux dans certaines parties du document. Par exemple, on dit en anglais que les gens sont souvent tenus en « bondage » (servitude) par des règles insensées régissant leur comportement sexuel, le choix de partenaires et les circonstances dans lesquelles ils peuvent avoir des rapports sexuels. Mais le terme anglais « bondage », au sens de ligotage, est aussi un terme qui décrit une pratique sexuelle consentante, ce qui entraîne donc un double sens inattendu. Aussi, dans le passé, l’on supposait que les personnes qui travaillaient dans l’industrie du sexe le faisaient parce qu’elles y étaient obligées en raison d’un nombre d’options trop limité. Aujourd’hui, nous savons que ce n'est pas toujours le cas, et on aurait avantage à revoir les lois touchant la prostitution afin d’en tenir compte. Dans d'autres cas, il est question de moderniser le langage désuet.

La AHA n'est pas la seule organisation à avoir examiné la question. La International Planned Parenthood Federation (IPPF) a publié une déclaration des droits sexuels qui suit de près le style et l'intention de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En effet, même l'Organisation mondiale de la santé s’y est aventurée avec des déclarations non officielles concernant les droits sexuels et des deux sexes.

Les différentes religions du monde, et leurs adhérents, seraient sans doute en désaccord avec une grande partie de ce que l’on trouve dans ces déclarations. Mais, dans quelle mesure les habitants de l’Occident suivent-ils les règles religieuses concernant le sexe? Au cours des dernières décennies, le mariage est devenu moins fréquent et moins stable. Maintenant, selon certaines sources, même les concubins et les concubines sont devenues chose du passé. Plutôt que d'investir dans les relations durables, de nombreuses personnes ne cherchent rien de plus que des partenaires sexuels d’occasion (« fuck buddies »). A l'heure où les jeunes adultes doivent investir presque tout leur temps et toutes leurs énergies dans une carrière, ces genres d’arrangements permettent quand même de satisfaire leurs pulsions sexuelles.

- - - - - - - -

Bien sûr, il y a peut-être une autre explication. Vous vous souvenez de ces articles que j'ai écrits sur la façon dont nos plus anciens ancêtres, comme les australopithèques, évitaient la compétition spermatique et comment nos ancêtres plus récents, comme Homo erectus, faisaient le contraire? J’avais aussi émis des doutes sur ce que disaient certains scientifiques qui affirmaient que notre « nature monogame » pourrait mener à un retour de la pendule. Eh bien, au moins une équipe d’époux semble être d'accord avec moi.

Christopher Ryan et Cacilda Jetha sont les auteurs de Sex at Dawn: The Prehistoric Origins of Modern Sexuality. Je n'ai pas encore lu le livre, mais selon un article dans la presse, les auteurs sont d’avis que la non-promiscuité n’est rien de plus qu'une construction sociale, et que notre nature sexuelle n’y est tout simplement pas compatible. Ils disent que la fidélité sexuelle n'était probablement pas une exigence sociale avant l'avènement de l'agriculture. Avant, les hommes n'avaient pas de biens à transmettre à la génération suivante. La paternité était donc sans importance. Et les femmes recevaient la nourriture, un abri, de l'aide pour s'occuper des enfants et des partenaires sexuels de toute la communauté plutôt que d’un seul fournisseur mâle. (Pour ma part, j’ajouterais que les femmes fournissaient la nourriture à la communauté. La cueillette était réussie plus souvent que la chasse.)

Bien que les auteurs ne critiquent pas la monogamie en soi, ils croient qu’il est trompeur de croire que la monogamie exclusive soit l'idéal pour notre espèce. La non-promiscuité peut convenir à un grand nombre de personnes, mais pas à tous. Il serait peut-être temps de le reconnaître.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire