vendredi 3 décembre 2010

La prostitution est légale, mais pas la communication

(...) toute mesure législative d'origine ou d'inspiration religieuse devait avoir un but laïc légitime. L'État ne devait s’occuper que de la vie, de la santé, de la propriété et d’autres choses de ce monde. (De mon article du 7 septembre dernier, Critiquer la religion)

Les lois canadiennes contre la prostitution restent en vigueur pour l'instant. Une décision judiciaire antérieure avait invalidé des dispositions clés du Code criminel du Canada qui traitent de la communication à des fins de prostitution, de la tenue d’une maison de débauche et de vivre des produits de la prostitution. Le juge Marc Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario a décidé qu'il serait préjudiciable à l'intérêt public de permettre que le jugement du tribunal inférieur entre en vigueur immédiatement en attendant qu’un appel interjeté récemment soit entendu. Toutefois, le juge a fixé au 29 avril prochain la date limite pour la suspension de la décision, et la poursuite devra faire valoir ses arguments d'ici là.

Au Canada, la prostitution en soi n'est pas un crime. Au contraire, la sollicitation ou l’offre d’un paiement en échange de services sexuels est interdit par la loi. Ainsi, bien que la prostitution soit techniquement permise par la loi, pratiquement toutes les activités qui lui sont associées ne le sont pas. Le Code criminel interdit la « communication à des fins de prostitution ». Elle interdit également la tenue d’une maison de débauche. Certaines lois avaient été promulguées bien récemment, en 1985, afin de régler le problème de nuisance publique par celles qui faisaient le trottoir. Mais en raison de la loi contre les maisons de débauche, la solution de rechange, soit de travailler à partir de la maison dans des circonstances plus sécuritaires, est interdite.

Trois femmes ont donc contesté la constitutionalité de certaines dispositions du Code criminel relatives à la prostitution en 2009. Les dispositions en question sont : (a) vivre des produits de la prostitution d'une autre personne, (b) arrêter ou de tenter d'arrêter et de communiquer avec quelqu'un dans le but de se livrer à la prostitution ou d'obtenir les services sexuels d'une personne qui se prostitue, et (c) la tenue d'une maison de débauche. Les requérantes ont affirmé que ces dispositions du Code criminel violent l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui dit que Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

En outre, elles ont fait valoir que la disposition concernant la tenue d'une maison de débauche contrevient à l'alinéa 2b) de la Charte qui garantit les libertés suivantes : liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication.

Dans sa décision, la juge Susan Himel de la Cour supérieure de l'Ontario a convenu que certaines dispositions du Code criminel contribuent effectivement à rendre plus dangereuses les circonstances dans lesquelles les travailleuses et travailleurs du sexe doivent gagner leur vie. « Ces lois, individuellement et collectivement, forcent les prostituées à choisir entre leur droit à la liberté et leur droit à la sécurité de la personne dont la protection est garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Je conclus que ces lois violent les valeurs fondamentales protégées par l'article 7 et que cette violation n'est pas sauvée par l'article 1 à titre de limites raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique », a-t-elle écrit. (Ma traduction de l'anglais.)

Il convient de noter qu'elle ne s’est pas limitée à invalider les dispositions en question. Alors que les alinéas 212(1)j) (vivre des produits de la prostitution) et 213(1)c) (communication à des fins de prostitution) ont effectivement été invalidées, la disposition relative aux maisons de débauche a été changée tout simplement. La disposition spécifique, soit l'article 210, demeure intact, mais la juge a changé la définition à l'article 197(1) afin qu’elle ne fasse plus allusion à la prostitution. Si des actes d'indécence sont commis dans une maison tenue à cette fin, on pourra encore parler d’une maison de débauche.

La juge indique clairement que seules ces dispositions ont été annulées. D'autres dispositions qui portent, par exemple, sur l'arrêt ou la tentative d'arrêter une automobile ou encore de gêner la circulation des piétons ou des véhicules à des fins de prostitution est toujours illégal. En outre, de nombreuses dispositions concernant le « proxénétisme » demeurent en vigueur, tout comme celles qui traitent de la prostitution des personnes d’âge mineur.

La décision est maintenant affichée sur le site web de CanLII (en anglais seulement). Pour ma part, je trouve que la décision a été bien réfléchie. À tout le moins, la juge semble être bien informée des véritables dangers en matière de prostitution, soit l'impuissance des prostituées devant la loi et devant ceux qui voudraient leur faire du mal. Les personnes élues, bien sûr, ne sont pas du même avis. Elles cherchent des votes et savent que les gens qui s'opposent à la prostitution sous toutes ses formes visitent régulièrement les bureaux de scrutin. Eh bien, les différentes dettes publiques sont déjà très élevées et les déficits n’en finissent plus, alors quelques millions de plus ou de moins…

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