vendredi 31 décembre 2010

Préoccupé par l'enfouissement de livres

La lettre qui suit a paru en anglais dans l'édition du 27 août 2003, du Daily Gleaner de Fredericton. Voici ma traduction :

À la rédaction :

La véritable histoire du Canada devrait être enseignée à nos enfants. J'espère que quelqu'un de la profession d’enseignement saura répondre à cette lettre.

Quand j'ai demandé à ma petite-fille si l’on lui enseignait l'histoire, elle a dit oui. Je lui ai demandé, « Quelle histoire vous enseigne-t-on? » Elle a dit « Les Voyageurs ».

Je suis persuadé que le ministre de l'Éducation devrait s'abstenir d'imposer à nos enfants anglophones dans le système scolaire une fausse histoire réécrite. Le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse abondent d’histoire britannique. Ce sont les Anglais, et non les Français, qui se sont d'abord installés ici. On ne peut changer ce fait historique sans la fausser.

Les Français se sont installés à la baie d'Hudson et dans la région Saint-Laurent. Il reste que je suis préoccupé par la destruction de notre histoire britannique au Canada, et surtout aux Maritimes.

Un opérateur d'équipement lourd devait démolir un bâtiment à Weymouth (N.-É.). Il a remarqué qu’il y avait un tas de livres qui devaient être enfouis avec le bâtiment. Il les a examinés et il a gardé très beau livre sur l'histoire de la Guerre de Sept ans au Canada, de 1756 à 1763.

Il m’a prêté ce livre et je l'ai lu. Il vaut son pesant d'or. Pourquoi vouloir détruire ce livre? Combien d’autres livres de ce genre sont détruits pour des raisons sinistres?

C’est signé Melvin A. Smith, de Fredericton.

Normalement, je m’élèverais contre toute destruction de livres. Mais si ce que M. Smith rapporte est vraiment ce que l’on trouve dans ces livres, il aurait peut-être été préférable qu’ils soient enterrés.

Cependant, je crois que M. Smith peut même avoir toujours cru que les Britanniques étaient arrivés avant les Acadiens, et ces livres n’ont rien fait d’autre que de confirmer dans son esprit une fausseté à laquelle il a toujours cru. À cet égard, toute personne qui prend le temps de se renseigner sur l'histoire des Maritimes, en particulier grâce aux ouvrages plus récents et plus objectifs, verra bien que les Français s’étaient établis dans les Maritimes en même temps qu’ils colonisaient le Saint-Laurent.

Les Britanniques s’étaient aussi clairement établis aux Maritimes, mais seulement après que les Acadiens y aient été enlevés de force. En effet, la propagande de l'époque laissait croire aux colons britanniques que les Acadiens ont eu beaucoup de chance de trouve une terre aussi fertile que celle de la Nouvelle-Écosse d’aujourd’hui puisqu’ils travaillaient très peu la terre afin d’y gagner leur vie. Les Acadiens étaient « indolents », disait-on.

Les colons qui ont « remplacé » les Acadiens ont vite constaté que les Acadiens étaient loin d'être indolents. Une des stratégies agricoles des Acadiens consistait à arracher des terres des marais, de la mer et des rivières au moyen de digues appelés aboiteaux. C’est le limon déposé avant la construction des aboiteaux et lors des crues extrêmes qui rendait la terre si riche. Quand les aboiteaux se brisaient ou se défaisaient, les nouveaux colons venus de la Nouvelle-Angleterre ne savaient pas comment les réparer et ont fait appel aux autorités à Halifax afin qu’ils envoient des prisonniers acadiens afin de faire réparer les digues.

Ainsi, les Anglais ont eu beaucoup plus besoin des Acadiens qu’ils ne voulaient l'admettre. C’était le début d’une relation difficile entre les deux groupes.

jeudi 30 décembre 2010

Au nom de la liberté

Médecin : Comment avez-vous pu supprimer les pulsions sexuelles? Des drogues? Des lois punitives?

Premier ministre : Au début, un peu des deux. Maintenant, après 300 ans, nous trouvons le concept même de la reproduction sexuée plutôt répugnant.

De l'épisode « Up The Long Ladder », Star Trek, The Next Generation.

Une de nos amies les plus chères a récemment trouvé la religion. Le mormonisme, pour être plus exact. Alors qu'elle était encore assez favorable au concept de l'évolution des espèces, elle a trouvé un moyen d'intégrer Adam et Ève dans sa cosmologie et a également constaté une plus grande compréhension spirituelle depuis qu'elle a cessé, dit-elle, de « se toucher les parties intimes ».

Lorsque sexe et religion s’entrechoquent, de nombreux problèmes surgissent en raison de la honte et du secret qui entoure trop souvent la sexualité. Si je plaide souvent pour une plus grande liberté sexuelle, c’est que je me souviens encore de l’enfance que j’ai vécue sous l'œil vigilant de ma mère, une enfance pendant laquelle j’ai été témoin, et parfois touché, par ces nombreux problèmes. Ma mère était une catholique d’une grande réserve et dont les connaissances religieuses venaient parfois en conflit avec sa formation médicale en tant qu'infirmière. Je ne crois pas qu’elle ait résolu ces conflits. Elle y passait outre tout simplement.

Alors, quand j'ai atteint un certain âge et étant donné que je n’avais pas de père pour m’expliquer la reproduction humaine et les pulsions sexuelles qui m’envahissaient déjà, elle essayait souvent de me faire visiter un de mes oncles afin que ce dernier m’« éduque » à cet égard. Elle a été particulièrement heureuse lorsqu’une de mes tantes a épousé un médecin, car ce dernier saurait sûrement me guider. Je crois qu’elle n’a jamais compris que j'aurais préféré que ce soit elle qui me renseigne, même s’il fallait ensuite que je fouille dans ses manuels de médecine afin de compléter cette « éducation ». En fin de compte, je n’ai eu pour enseignant que les livres.

Je devais sans doute avoir tout cela à l’esprit quand ma femme et moi avons décidé d’avoir le plus d’ouverture possible à la maison afin que nos enfants n’aient pas à subir le même sort. Nous ne prenions pas la peine de nous cacher derrière des serviettes lorsque nous quittions la douche. Je n'ai certainement pas porté de vêtements très souvent, et ma femme, plus frileuse, faisait la même chose pendant les canicules. Ce n'était pas de l'éducation sexuelle en soi, mais cela menait à des discussions intéressantes, notamment sur des aspects de la sexualité. Et les films de la série Look Who's Talking (« Allo maman, ici bébé ») y ont certainement contribué quelque chose aussi.

Nous voulions notamment faire comprendre à quel point un grand nombre de personnes – mais surtout les femmes – ont été victimes des enseignements religieux contre la sexualité, et même contre l’acte tout à fait innocent de se masturber. Pendant longtemps, les mythes concernant la masturbation (cela rend aveugle, fou ou stupide, vous perdrez votre « meilleur sang », vous risquez d'endommager les organes génitaux, etc) ont semé la honte et ont assuré un contrôle des ouailles.

Pourtant, nous savons que la masturbation est une façon utile pour mieux comprendre son propre corps et ses réactions. En outre, Planned Parenthood affirme que la masturbation aide à se détendre et à éliminer le stress et la tension physique. L'orgasme peut atténuer tout naturellement la douleur, ce qui explique pourquoi un grand nombre de femmes se masturbent afin de soulager les crampes menstruelles. Chez les hommes, l'éjaculation fréquente peut réduire le risque d’avoir un cancer de la prostate. Donc, que ce soit ou non en situation d’absence de partenaire, la masturbation reste une option à privilégier.

Qui plus est, la plupart des hommes finissent par se masturbent un jour ou l’autre. Est-ce que c’est écrit dans nos gènes? Est-ce que c’est parce que les hommes se permettent un peu plus de latitude? Je ne sais pas. Mais il est souvent dit que 90 pour cent des hommes se masturbent et les autres mentent à ce sujet. Les femmes, prises collectivement, ne se masturbent pas autant, ou du moins elles ne le reconnaissent pas aussi facilement. Les dogmes religieux décourageant la masturbation ont sans doute contribué à cette situation.

De ce que j'ai pu apprendre de notre amie nouvellement religieuse, sa religion interdit également la masturbation, et elle a accepté cet enseignement sans autre questionnement. Elle ajoute que, en évitant de penser aux choses sexuelles, elle a vécu une croissance spirituelle dans d’autres aspects de son être. Je ne contesterai pas son expérience. Je ne peux pas ressentir ce qu'elle a ressenti. Et choisir l’abstention est tout aussi légitime que de faire le contraire.

Par contre, je ne dirais jamais la même chose pour ce qui est promouvoir l’abstention. Et voilà l'essentiel du problème. Lorsqu’elle aura une fille, lui refusera-t-elle la chance de découvrir son corps? Voudra-t-elle que sa fille rejette sa nature sexuelle jusqu’au mariage? Tout cela au nom de la perfection spirituelle?

L'un des obstacles à la pleine liberté pour les femmes a été la présence d'autres femmes désireuses d'écraser ceux qui voudraient travailler pour le progrès social, et ce au nom d'une divinité ou d’un chef religieux, ou encore pour être bien vues par leurs consœurs. J'espère sincèrement que notre amie ne devienne pas une de ces femmes qui s’opposent à cette liberté.

vendredi 10 décembre 2010

Est-ce que cette analogie vous convient?

Pendant longtemps j'ai cherché un moyen de décrire les difficultés de perdre du poids à des gens qui n'ont aucune difficulté à maintenir un tour de taille raisonnable. Je crois que j'ai enfin trouvé une analogie qui fonctionne. Je vous prie d’être patient.

On a longtemps cru que les enfants ont un talent naturel pour l'apprentissage des langues. Ils apprennent une, deux et peut-être même trois langues avec aisance et presque sans effort. Cette compétence diminue à partir de l'adolescence. La plupart des adultes désespèrent ensuite de ne jamais pouvoir maîtriser une deuxième ou une troisième langue. Toutefois, les experts savent maintenant que cette vision des choses est erronée.

Au cours des cinq premières années de sa vie, un enfant passe presque tout son temps à apprendre une langue (et peut-être même deux). Pendant cette période, il est bien encadré par des gens qui l’encouragent à perfectionner la prononciation et à mémoriser des mots et des concepts. D'autres choses sont aussi apprises à cette étape de la vie, mais ils exigent rarement un effort intellectuel aussi exténuant. À l'âge de cinq ans, l’enfant est sur la bonne voie pour bien maîtriser sa première langue.

Il serait donc possible de maîtriser une autre langue vers l'âge de 30 ans si la vie nous permettait de prendre un congé de cinq ans à partir de l'âge de 25 ans afin de pouvoir vraiment se concentrer sur l'apprentissage d’une deuxième ou d’une troisième langue. Mais la vie nous accorde rarement cette possibilité. Les exigences du travail, les activités pour les enfants, l'église (pour ceux qui ont cet engagement) nous laissent peu de temps pour apprendre une nouvelle langue.

Il en va de même pour la perte de poids et l’adoption d’un mode de vie sain. Cela aiderait si nous pouvions nous trouver dans un environnement où des mentors nous suivent et nous encouragent à changer notre alimentation et à faire plus d'activité physique. Mais les exigences du monde moderne sont telles que nous devons contribuer à l'économie. Que nous soyons donc travailleurs autonomes ou salariés, nous sommes appelés à passer au moins 35 heures par semaine (et souvent beaucoup plus) à gagner notre pain afin de pouvoir se payer de la nourriture, un logement et des vêtements, sans compter les autres articles qui permettent de faire progresser notre économie. Les exigences du travail, les activités pour les enfants, le bénévolat, l'église (pour ceux qui ont cet engagement), les rendez-vous médicaux ... Avec tout cela, qui a le temps d'investir dans l'adoption d'un nouveau mode de vie?

La structure même de la société moderne n'aide pas, non plus. Pendant des décennies, les gens se rendaient à pied au magasin du coin pour acheter ce dont ils avaient besoin au moment où ils en avaient besoin. Maintenant, nous avons des zones résidentielles où aucun magasin n’est autorisé, et les gens se rendent au magasin en automobile pour acheter de grandes quantités de nourriture à la fois. Au lieu de s’exercer en faisant en vaquant à nos activités de tous les jours, nous devons nous réserver du temps pour faire de l'exercice!

Dans Retour vers le futur III, « Doc » Brown raconte aux clients de la taverne de 1885 à quoi ressemble la vie dans le futur. À un moment donné, un client demande: N’y a-t-il plus personne qui marche?

Brown dit: Bien sûr! Mais ils marchent pour le plaisir.

Pour le plaisir? Mais pourquoi faire cela pour le plaisir?, renchérit le client.

Je ne sais pas dans quelle mesure l'ironie était intentionnelle, mais cet échange en dit sur la vie de nos jours.

mercredi 8 décembre 2010

Complaisance

Il existe un genre de site d’initiation au féminisme (en anglais seulement) appelé Finally Feminism 101, un service qui semble avoir commencé à Blogspot avant de passer à Wordpress. Je ne sais pas plus comment je suis tombé sur le site, mais la première page que j’y ai visitée était celle-ci. En résumé, il s'agissait d'une tentative d'expliquer exactement pourquoi il doit y avoir une distinction entre un acte sexuel dans lequel l’on s'engage volontairement, et un acte sexuel où un des participants est clairement victime d'une agression.

Il n'y a pas si longtemps j'ai entendu dire qu'un ancien prêtre, affecté à ma ville natale quand j'étais un enfant, a reconnu avoir molesté de jeunes garçons. J'ai été un de ces chanceux qui ne l’a connu que de loin et j’ai ainsi évité de devenir une victime. Mais ce sont les circonstances particulières de cette cause qui ont attiré mon attention plus que les agressions elles-mêmes.

Les agressions sexuelles ne sont toujours pas signalées si fréquemment, mais il y a eu du progrès à cet égard. Toutefois, l’effet de ces signalements sur notre conscience tend à être moindre. Il est donc bien que Finally Feminism m’ait réveillé un peu. Il faut parfois donner un bon coup à notre complaisance.

Mais il y a alors lieu de se demander comment j’ai fait pour devenir complaisant.

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Puisque des relations sexuelles consensuelles sont permises et même encouragées, le droit de dire non à l'activité sexuelle a un corollaire nécessaire: le droit de dire oui. Bien sûr, certains feront tout leur possible pour refuser ce droit à d'autres, et ils seront convaincus d’avoir l'autorité morale de le faire.

En 1976, la American Humanist Association (AHA) a abordé ce problème en publiant un genre de déclaration droits et responsabilités en matière de sexualité (A New Bill of Sexual Rights and Responsibilities). En 2003, la revue Free Inquiry a publié ce qu'elle présentait comme étant une version remaniée de cette déclaration, même si elle suivait toujours l'original de très près. La revue The Humanist a « répliqué » avec un article critique intitulé « Que faire à présent que la révolution sexuelle est terminée? »

On évoque notamment le langage douteux dans certaines parties du document. Par exemple, on dit en anglais que les gens sont souvent tenus en « bondage » (servitude) par des règles insensées régissant leur comportement sexuel, le choix de partenaires et les circonstances dans lesquelles ils peuvent avoir des rapports sexuels. Mais le terme anglais « bondage », au sens de ligotage, est aussi un terme qui décrit une pratique sexuelle consentante, ce qui entraîne donc un double sens inattendu. Aussi, dans le passé, l’on supposait que les personnes qui travaillaient dans l’industrie du sexe le faisaient parce qu’elles y étaient obligées en raison d’un nombre d’options trop limité. Aujourd’hui, nous savons que ce n'est pas toujours le cas, et on aurait avantage à revoir les lois touchant la prostitution afin d’en tenir compte. Dans d'autres cas, il est question de moderniser le langage désuet.

La AHA n'est pas la seule organisation à avoir examiné la question. La International Planned Parenthood Federation (IPPF) a publié une déclaration des droits sexuels qui suit de près le style et l'intention de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En effet, même l'Organisation mondiale de la santé s’y est aventurée avec des déclarations non officielles concernant les droits sexuels et des deux sexes.

Les différentes religions du monde, et leurs adhérents, seraient sans doute en désaccord avec une grande partie de ce que l’on trouve dans ces déclarations. Mais, dans quelle mesure les habitants de l’Occident suivent-ils les règles religieuses concernant le sexe? Au cours des dernières décennies, le mariage est devenu moins fréquent et moins stable. Maintenant, selon certaines sources, même les concubins et les concubines sont devenues chose du passé. Plutôt que d'investir dans les relations durables, de nombreuses personnes ne cherchent rien de plus que des partenaires sexuels d’occasion (« fuck buddies »). A l'heure où les jeunes adultes doivent investir presque tout leur temps et toutes leurs énergies dans une carrière, ces genres d’arrangements permettent quand même de satisfaire leurs pulsions sexuelles.

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Bien sûr, il y a peut-être une autre explication. Vous vous souvenez de ces articles que j'ai écrits sur la façon dont nos plus anciens ancêtres, comme les australopithèques, évitaient la compétition spermatique et comment nos ancêtres plus récents, comme Homo erectus, faisaient le contraire? J’avais aussi émis des doutes sur ce que disaient certains scientifiques qui affirmaient que notre « nature monogame » pourrait mener à un retour de la pendule. Eh bien, au moins une équipe d’époux semble être d'accord avec moi.

Christopher Ryan et Cacilda Jetha sont les auteurs de Sex at Dawn: The Prehistoric Origins of Modern Sexuality. Je n'ai pas encore lu le livre, mais selon un article dans la presse, les auteurs sont d’avis que la non-promiscuité n’est rien de plus qu'une construction sociale, et que notre nature sexuelle n’y est tout simplement pas compatible. Ils disent que la fidélité sexuelle n'était probablement pas une exigence sociale avant l'avènement de l'agriculture. Avant, les hommes n'avaient pas de biens à transmettre à la génération suivante. La paternité était donc sans importance. Et les femmes recevaient la nourriture, un abri, de l'aide pour s'occuper des enfants et des partenaires sexuels de toute la communauté plutôt que d’un seul fournisseur mâle. (Pour ma part, j’ajouterais que les femmes fournissaient la nourriture à la communauté. La cueillette était réussie plus souvent que la chasse.)

Bien que les auteurs ne critiquent pas la monogamie en soi, ils croient qu’il est trompeur de croire que la monogamie exclusive soit l'idéal pour notre espèce. La non-promiscuité peut convenir à un grand nombre de personnes, mais pas à tous. Il serait peut-être temps de le reconnaître.

vendredi 3 décembre 2010

La prostitution est légale, mais pas la communication

(...) toute mesure législative d'origine ou d'inspiration religieuse devait avoir un but laïc légitime. L'État ne devait s’occuper que de la vie, de la santé, de la propriété et d’autres choses de ce monde. (De mon article du 7 septembre dernier, Critiquer la religion)

Les lois canadiennes contre la prostitution restent en vigueur pour l'instant. Une décision judiciaire antérieure avait invalidé des dispositions clés du Code criminel du Canada qui traitent de la communication à des fins de prostitution, de la tenue d’une maison de débauche et de vivre des produits de la prostitution. Le juge Marc Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario a décidé qu'il serait préjudiciable à l'intérêt public de permettre que le jugement du tribunal inférieur entre en vigueur immédiatement en attendant qu’un appel interjeté récemment soit entendu. Toutefois, le juge a fixé au 29 avril prochain la date limite pour la suspension de la décision, et la poursuite devra faire valoir ses arguments d'ici là.

Au Canada, la prostitution en soi n'est pas un crime. Au contraire, la sollicitation ou l’offre d’un paiement en échange de services sexuels est interdit par la loi. Ainsi, bien que la prostitution soit techniquement permise par la loi, pratiquement toutes les activités qui lui sont associées ne le sont pas. Le Code criminel interdit la « communication à des fins de prostitution ». Elle interdit également la tenue d’une maison de débauche. Certaines lois avaient été promulguées bien récemment, en 1985, afin de régler le problème de nuisance publique par celles qui faisaient le trottoir. Mais en raison de la loi contre les maisons de débauche, la solution de rechange, soit de travailler à partir de la maison dans des circonstances plus sécuritaires, est interdite.

Trois femmes ont donc contesté la constitutionalité de certaines dispositions du Code criminel relatives à la prostitution en 2009. Les dispositions en question sont : (a) vivre des produits de la prostitution d'une autre personne, (b) arrêter ou de tenter d'arrêter et de communiquer avec quelqu'un dans le but de se livrer à la prostitution ou d'obtenir les services sexuels d'une personne qui se prostitue, et (c) la tenue d'une maison de débauche. Les requérantes ont affirmé que ces dispositions du Code criminel violent l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui dit que Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

En outre, elles ont fait valoir que la disposition concernant la tenue d'une maison de débauche contrevient à l'alinéa 2b) de la Charte qui garantit les libertés suivantes : liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication.

Dans sa décision, la juge Susan Himel de la Cour supérieure de l'Ontario a convenu que certaines dispositions du Code criminel contribuent effectivement à rendre plus dangereuses les circonstances dans lesquelles les travailleuses et travailleurs du sexe doivent gagner leur vie. « Ces lois, individuellement et collectivement, forcent les prostituées à choisir entre leur droit à la liberté et leur droit à la sécurité de la personne dont la protection est garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Je conclus que ces lois violent les valeurs fondamentales protégées par l'article 7 et que cette violation n'est pas sauvée par l'article 1 à titre de limites raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique », a-t-elle écrit. (Ma traduction de l'anglais.)

Il convient de noter qu'elle ne s’est pas limitée à invalider les dispositions en question. Alors que les alinéas 212(1)j) (vivre des produits de la prostitution) et 213(1)c) (communication à des fins de prostitution) ont effectivement été invalidées, la disposition relative aux maisons de débauche a été changée tout simplement. La disposition spécifique, soit l'article 210, demeure intact, mais la juge a changé la définition à l'article 197(1) afin qu’elle ne fasse plus allusion à la prostitution. Si des actes d'indécence sont commis dans une maison tenue à cette fin, on pourra encore parler d’une maison de débauche.

La juge indique clairement que seules ces dispositions ont été annulées. D'autres dispositions qui portent, par exemple, sur l'arrêt ou la tentative d'arrêter une automobile ou encore de gêner la circulation des piétons ou des véhicules à des fins de prostitution est toujours illégal. En outre, de nombreuses dispositions concernant le « proxénétisme » demeurent en vigueur, tout comme celles qui traitent de la prostitution des personnes d’âge mineur.

La décision est maintenant affichée sur le site web de CanLII (en anglais seulement). Pour ma part, je trouve que la décision a été bien réfléchie. À tout le moins, la juge semble être bien informée des véritables dangers en matière de prostitution, soit l'impuissance des prostituées devant la loi et devant ceux qui voudraient leur faire du mal. Les personnes élues, bien sûr, ne sont pas du même avis. Elles cherchent des votes et savent que les gens qui s'opposent à la prostitution sous toutes ses formes visitent régulièrement les bureaux de scrutin. Eh bien, les différentes dettes publiques sont déjà très élevées et les déficits n’en finissent plus, alors quelques millions de plus ou de moins…

mercredi 1 décembre 2010

Quand je mourrai

Si vous avez publié quelque chose sur votre propre site Internet ou sur un service Internet où vous avez l’entière responsabilité du contenu et de sa présentation, avez-vous pris des dispositions à savoir ce qui doit arriver à ce contenu si vous mourez? Et savez-vous ce qu’il adviendra de vos adresses de courriel Yahoo et Hotmail après votre décès? Ou vos comptes de réseaux sociaux comme Facebook, MySpace, Twitter et autres?

Personne n'est immortel. Il est possible de vivre pendant encore un grand nombre d’années ou de succomber aux blessures causées par un accident de la route aujourd’hui même. Un jour ou l’autre, notre heure sonnera.

Voulez-vous que votre site Web puisse encore exister après votre mort et peut-être même contenir un avis de décès à votre égard? Cela pourrait intéresser vos petits-enfants, mais l’intérêt du reste des lecteurs pourrait s’estomper. Voulez-vous plutôt que tout cesse immédiatement ou dans les semaines qui suivent? Peu importe votre choix, il vous faudra un service ou une personne de confiance qui pourra s’en occuper.

Cette personne ou service doit avoir des instructions claires et tous les noms d’utilisateurs et mots de passe nécessaires, ainsi que les noms et coordonnées des partenaires qui vous auriez pris en cours de route pour votre blog ou autre service.

Le mot de passe est peut-être la question la plus délicate. Pour cela, il existe un site appelé Dead Man’s Switch. Il s’agit d’un service automatisé qui envoie des messages et attend que l’on y réponde. Si le message reste plusieurs jours sans réponse, le service avise alors une personne dont vous avez fourni le nom et les coordonnées afin que cette dernière puisse y donner suite.

Un compte Gmail reste ouvert à tout jamais à moins que les proches en demandent sa suppression. Si ces derniers veulent plutôt y accéder, ils devront fournir des renseignements et de la documentation à cet égard, notamment un certificat de décès. Il serait donc plus facile de confier le nom d’utilisateur et le mot de passe à une personne de confiance ou d’en faire la divulgation dans votre testament.

Un compte Hotmail inactif sera supprimé à un moment donné. Les proches peuvent y accéder avant sa suppression moyennant l’envoi de certains renseignements et documents. Pour Yahoo, cependant, tout reste confidentiel. Si vous n’avez pas confié votre nom d’utilisateur et mot de passe à un proche, ce dernier pourra seulement demander la suppression du compte.

Facebook ne permettra à personne d’accéder au compte, mais il sera possible d’en faire une page commémorative. MySpace fera la suppression de la page à la demande du proche parent, mais ne permettra pas que l’on modifie ou supprime le contenu autrement.

Avez-vous un compte PayPal dans lequel il vous reste quelques centaines de dollars? Il serait bien que vos proches sachent comment y accéder. Si un abonnement à un domaine Internet doit bientôt être renouvelé, il serait bien de l’indiquer. Sinon, le domaine sera remis à quelqu’un d’autre.

Les lois sur le droit d’auteur varient d’un pays et d’une région à l’autre. En général, il peut être possible de transférer vos droits d’auteur à d’autres. Si la succession hérite des droits d’auteur, rien n’assure que votre matériel publié sur le Web y restera.

Rien n’oblige de tout mettre dans le testament. Il peut y avoir une enveloppe séparée dans laquelle vous informez l’exécuteur testamentaire du matériel qui doit être supprimé de votre ordinateur sans que personne d’autre ne le voie.

Une recherche rapide ne m’a pas permis de trouver des pages françaises à cet égard. Voici tout de même quelques ressources en anglais :

http://webmasterformat.com/blog/what-happens-to-your-website-if-you-die

http://www.makeuseof.com/tag/what-happens-to-your-email-and-social-networking-sites-when-you-die

http://menwithpens.ca/what-happens-to-your-website-if-you-die